Un nouveau parti affamé de bonheur

©Aïcha Belkhodja

Le Parti Culinaire du Québec veut mettre du bonheur dans votre assiette et dans votre province. Jean-Louis Thémistocle, chef du parti et chef cuisinier souhaite faire du Québec une gastronocratie : « une société où seule la gastronomie dicte les lois et règlements ». Un zeste de génie ou une pincée de folie ?

Arrivé de Madagascar en 1972, l’apprenti cuisinier intègre l’Institut de Tourisme et d’Hôtellerie du Québec à Montréal. Passionné par ses cours de philosophie, à 19 ans, il lance sa première action en créant une « salade de l’apartheid ». Nostalgique et jovial, il explique : « J’avais fait une salade qui était dégueulasse à manger. Elle était comestible, mais quand on la mangeait on vomissait : c’est l’apartheid. […] Les syndicats vendaient la recette sur une carte postale et les revenus finançaient le mouvement antiapartheid de Montréal. » Ainsi, il découvre avec optimisme le pouvoir politique de la cuisine.

Trente-cinq années plus tard, celui qu’on appelle Chef Thémis n’en démord toujours pas. En 2006, il créa l’association Cuisiniers Sans Frontières, qui offre une formation en cuisine aux plus démunis. S’il est élu au gouvernement, il dressera un inventaire de tous ceux qui ont faim : « Établir une solution rapide pour qu’il n’y ait plus un seul enfant qui aille à l’école le ventre vide. » Tous les jours, en ouvrant son frigo, Thémis est conscient de son privilège : « Manger n’est pas normal, ce n’est pas un acquis. »

Désabusé par les politiciens en place, il est déçu de cette campagne. « C’est du réchauffé » se plaint-il. « Il manque un réel débat d’idées, frémit-il, nous sommes les seuls qui apportons une révolution au niveau des échanges philosophiques et politiques. » C’est pourquoi son parti ne peut se rallier à un autre. Selon lui, tous proposent la même solution : l’argent. La mayonnaise ne prend pas. Pour le Parti Culinaire du Québec, la valeur centrale est le bonheur : « Nous on pense que le bonheur c’est d’avoir trois repas par jour, sous un toit et en famille. Le bonheur, il n’est pas loin ! »

Une gastronocratie, mais qu’est-ce que ça mijote ? En somme, un parti gastronocrate est principalement vert et social. Toute proposition de loi qui aura des effets néfastes sur la nourriture sera abrogée. Il donne comme exemple celui des pipelines : si un projet abîme les terres, il ne passera pas. Ce serait une société où les agriculteurs seraient « en première ligne ». Non à Monsanto, non à la surpêche et surtout, non à la faim.

Le double chef fait souvent rire, on le dit utopiste. « On a bien le droit de rêver » plaisante-t-il, un raisin entre les lèvres. Après tout, la politique n’est-elle pas de construire une société en se basant sur un idéal, que l’on tente d’atteindre ? Pour l’instant, le chef souhaite faire connaître son parti, et se concentrer sur les élections de 2022. Cette année, malgré ses maigres chances de gagner, Chef Thémis se mettra sur le chemin des électeurs pour leur distribuer de la bonne humeur devant les bureaux de vote. Il rit « si j’en avais eu les moyens, je leur aurais apporté une petite bouchée ».

Photographie © Aïcha Belkhodja

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